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Mistral au Festival !

Mistral au Festival !
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Mistral au Festival !
12 juillet 2009

Photo-romance (1)

Photo Romance, de Lina Saneh & Rabih Mroué.

Festival d’Avignon, Salle Benoît -XII. Vendredi 10 Juillet 2009.

   Le dispositif est surprenant Un écran suspendu au milieu de la scène. Dessous, un musicien équipé d’une guitare Fender Stratocaster, de pédales « woua woua », d’un enregistreur, d’un gros emplis et d‘ustensile étrange et non identifié . À droite, deux fauteuils autour d’une table. À gauche, une petite table haute sur laquelle est posée un Mac portable. Sur l’écran il est précisé que « toute ressemblance avec des personne existantes ou ayant existé est fortuite ».

   Le musicien est déjà en place lorsque Lina et Rabih entre en scène. Lina est venue voir Rabih pour qu’il donne son avis de censeur sur la pièce qu’elle est en train de monter et également pour qu’il en juge l’originalité. Nous sommes au Liban, les quelques mots échangés en arabe au tout début nous le confirment.

Lina veut adapter Une journée ordinaire d’Ettore Scola. Lui sera un homme solitaire, de gauche, ex communiste, rejeté de tous car refusant de choisir son camp dans ce pays qui se déchire. Elle est divorcée, marié à un homme qui l’empêchait d’être libre elle a décidé un jour de fuir et de retourner auprès de sa famille. Le jour de leur rencontre, le Liban se réunit dans une grande manifestation, deux grandes manifestation en fait qui rassemblera et opposera les deux grandes majorité au Liban, tous deux refusent d‘y participer. Lina soulève l’impossibilité de réunir ce peuple composé de tant de peuples et de communautés.

   Lina veut capter les individus hors du discourt communautaire et c’est la raison pour laquelle sa caméra (ou plutôt son appareil photo) rends invisible les groupes, qu’elle ne peut capturer que les individus. L’individu n’a de valeur que seul puisque ce n’est que lorsqu’il est seul qu’il peut réfléchir par lui-même, se questionner et voir le monde d’une autre manière.

Lui habite dans l’immeuble en face d’Elle. Elle va venir à sa rencontre parce que le chat qu’elle gardait en cage c’est échappé chez lui. Elle va rencontrer cet autre qu’elle ne connaît pas et se surprendre à l’apprécier. C’est ensuite lui qui viendra chez Elle plus tard, et en regardant par la fenêtre il exprimera l’étrangeté qu’il y a à se regarder depuis « l’autre côté ». C’est justement cette volonté voir l’autre différemment qui leur donne le rang d’individus pensant et qui leur permet d’apparaître.

   Mais très vite on comprend que ce n’est pas tant l’intrigue de la pièce qui est importante que la question de l’adaptation, et de l’éclatement de l’oeuvre cinématographique. L’image devient un photo roman muet, Lina fait tous les dialogues et joue donc tous les personnages, le musicien joue la bande son en utilisant son instrument de manière surprenante parfois en décalage avec le propos. Le cinéma est disséqué et chaque partie de ce que l’on saisit lors du visionnage d’un film, est exposée là, devant nous et c’est au spectateur de synchroniser le tout, de jouer le rôle de monteur. Le projet n’est pas encore terminé ce n’est donc que de fragments qui nous sont donnés et ce de manière anachronique, ainsi la scène finale est révélée dès le premier quart d’heure. Tout au long de la projection, Lina se livre à une explication de texte, justifiant tel ou tel choix.

   Lorsque la pièce (mais est-ce une pièce ?) se termine, le générique défile sur l’écran. Étonnamment le publique applaudit, moi, j’attends que commence la pièce. La pièce ne commencera pas, les comédiens ne reviendront pas saluer. Mais est-ce vraiment des comédiens ? Le réalisme des dialogues, de la diction (aidé par le fait que les comédiens soient sonorisés), veut donner l’impression que nous ne sommes pas au théâtre et que ce n’est pas une pièce que nous venons de voir mais un documentaire sur la genèse d’une pièce. C’est, semble t-il, le but : pourquoi monter telle ou telle pièce, comment le faire, comment rendre originale une adaptation ? Ce sont les questions posées.


   Cependant je reste perplexe, je ne comprends pas entièrement
la nécessité d’inscrire ce questionnement dans une œuvre théâtrale, dans ce format qui, même si il permet de questionner de manière original le théâtre, de mettre en abîme la discipline, restreint tout de même le propos. Un peu frustré aussi de ne pas avoir vu ce que je m‘attendais à voir : une pièce sur le Liban aujourd’hui. Car même si le sujet est abordé, qu’à travers le projet de Lina, il est montré, ce qu’on retient c’est tout ce qui est autour de cette histoire et puis l’histoire semble trop saccadée pour garder toute la force du récit. Un peu déçue de n’avoir vu (et sûrement compris) que la moitié des choses. Surprise et déstabilisée par la forme, le propos. Perplexe devant l’œuvre hybride qui s’est présenté devant moi. J’étais au théâtre sans y être, au cinéma sans le savoir, devant la télé sans le comprendre. Hors d’un cadre définit et normalisé, hors des codes du genre. Un peu perdue je crois. Mise face à mon incapacité de raisonner de manière cohérente hors d’un cadre établit. Face aussi au conditionnement de ma pensée . Étrange impression qui m’a envahit.


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12 juillet 2009

Littoral (2)

Littoral , de Wajdi Mouawad.
Festival d'Avignon . Mercredi 08 Juillet 2009,

Cour d'honneur du palais  des Papes.


   Comment enterrer son père ? Désespérément, Wilfrid cherche. Quel sens il y a- t-il à enterrer un père que l'on n'a jamais connu,  jamais  vu ?  La  situation est d'une absurdité sans nom.
   Une nuit, dans une chambre, à trois heures  du  matin,  un  téléphone  sonne pour apprendre à un orphelin en train de s'envoyer en l'air,  que  son  père est mort. Et soudain des racines poussent au pieds de l'orphelin.  Mais  des racines vides de tout  sens.  Et  Wilfrid  de  les  chercher.  Apprendre  à connaître ce père qui n'existait pas jusqu'à sa mort.  Inversion  du  cycle: la mort donne naissance, fait prendre forme et vie à l'existence  d'un  être tout à fait ignoré jusqu'ici.  Etrange  idée  que  de  vouloir  apprendre  à connaître un mort. Surtout que Wilfrid sous ses traits de jeune  homme,  est resté quelque part au fond de lui un enfant. Il a   pour  ami  un  chevalier toujours prêt à le protéger quoiqu'il arrive et depuis toujours,  c'est  son compagnon de route imaginaire. Et de l'imagination,  Wilfrid  en  a,  il  en déborde même. Sa vie est un film, par moment il en  est  persuadé  au  point d'imaginer qu'il est suivi par une équipe de tournage en permanence.
   Ce qui est formidable dans Littoral, c'est que l'espace  mental  de  Wilfrid est là devant nous. Il se meut sur la scène de  la  cour  d'honneur.  Et  la vie, vue à travers ce prisme là est tour à tour poétique, drôle  mais  aussi terriblement tragique. La réalité et l'imaginé se croisent en permanence  et
e chevalier toujours là pour conseiller Wilfrid, seul  vu  de  nous  et  de lui, vient ajouter dès qu'il peut son petit grain de folie.  Ce  télescopage incessant  donne  lieu  à  des  scènes  terriblement   drôles   malgré   des situations loin d'être comiques, et c'est toute la magie  de  l'écriture  de Wajdi Mouawad, mêler les rires au drame, la poésie au burlesque et  jouer  à mélanger encore et toujours ce qui ne va, habituellement  pas  ensemble.  Et ainsi nous spectateurs sommes plongée dans l'absurdité de  la  situation  et happé par l'histoire tout entier, enfermé avec Wilfrid dans  cette  histoire de "fous".


   Au fil de l'histoire, Wilfrid va apprendre à connaître son père,  à  travers le récit de ses oncles et ses tantes mais surtout à travers les  lettres  de son pères. Scène étonnante dans laquelle  la  lecture  des  lettres  à  voix haute par Wilfrid, va trouver écho dans la voix de son père  mort  qui  comme un fantôme suit Wilfrid, voix qui va à son tour se  perdre  et  se  mélanger avec celle  d'un troisième narrateur.  Les  personnages  se  dédoublent,  se détriplent. Et le passé s'invite dans  le  présent.  L'espace  et  le  temps éclatent et nous suivons ce désordre fou encore une  fois  entraîné  par  la
ourse  de  Jeanne  et  Ismaël,  les  parents  de  Wilfrid,  encore  presque adolescents. Les lettres se succèdent pleines  de  poésie,  toujours,  et  la guerre s'invite. Les gradins de la cour d'honneur  et  les  murs  du  palais tremblent sous les bombes et petit à petit Wilfrid recompose le puzzle.
De cette première partie de la pièce, reste cette étrange impression  d'être au cinéma: avoir vu du Woody Allen ( Le journal de Anna Hall, Scoop  )  pour ces personnages qui se promènent dans l'espace temps comme si  c'était  tout à fait naturel, ce mort qui hante le personnage principal, pour le grain  de folie constant, pour ce narrateur qui  change  de  voix  et  de  statut.  Ou bien d'être en train de  lire  du  Boris  Vian  pour l'imagination complètement  absurde  et  débordante,  pour  cette  impressionétrange d'être entrée dans un  monde  que  je  n'aurais  jamais  pu  imaginer seule, d'un rêve qui est devenu mien; pour la poésie surtout.  La  suite  me donnera un peu l'impression d'avoir lu une version moderne du  Petit  Prince à travers ce voyage initiatique de Wilfrid à la fois  tragique  et  poétique et si riche de leçons et d'apprentissages.

   La première scène de la pièce silencieuse et étrange, peignait les corps  et les lieux de peinture blanche ou rouge. Déjà, le rouge annonçait la  guerre, la douleur, la mort, le sang ;  et le blanc, lui faisant  face,  l'innocence ou la page blanche sur laquelle la mort allait  écrire,  indélébile.  Et  la peinture blanche était  jetée  à  grands  seaux  sur  Wilfrid,  la  page  sur
laquelle allait s'écrire son histoire. L'encre  des  lettres  d'Ismaël  vont imprégner Wilfrid qui décide de rapatrier le corps de son père au Liban.  Et dans sur cette terre  complètement  inconnue  pour  Wilfrid,  le  voyage  se poursuit. Il perd ses pas dans un  pays  meurtri  et  étrange,  dont  il  ne connait pas la langue ni les moeurs. Ici encore, les  villageois  refusent  à
Wilfrid un lieux pour la sépulture de son père.
   Père  exilé,  ni  vraiment  Canadien  et  plus  vraiment  Libanais.  Père  à l'identité éclatée et meurtrie qui n'excuse rien mais explique beaucoup  car père à l'identité meurtrière, qui  abandonne  un  fils  qu'il  n'assume  pas d'élever seul. Parce que comment expliquer à un enfant qui il  est  et  d'où il vient si soi même on l'ignore? Alors ce père  est  lâche,  certes,  mais parfois la lâcheté ne dépend pas que de nous. Wajdi Mouawad soulève  ici  la question de l'exil et de l'identité. Celle de la difficulté  d'être,  de  la difficulté de se sentir à sa  place  lorsque  l'on  est  étranger  dans  son propre pays. Wilfrid, né au Liban, qui a gardé cet accent d'étranger,  comme lui reproche son oncle, ne sait pas qui il est  parce  qu'il  est  orphelin; son  père  lui  ne  savait  plus  qu'il  il  était  car  exilé,   et   alors inévitablement l'exilé et lui aussi orphelin.
   Au Liban, Wilfrid va à la rencontre  d'un  père  et  d'une  mère  qu'il  n'a jamais connu, mais aussi d'un peuple, d'une culture et  d'un  pays  dont  il ignore tout. Un pays pourtant peuplé de jeunes hommes et femmes de son  âge, avec qui il partage la mort d'un père, la perte  de  parents.  Avec  qui  il partage les blessures profondes que le passé creuse sur  les  c?urs  et  les âmes. Le passé qui meurtri Wilfrid,  c'est  celui  de  ses  origines,  celui qu'il n'a pas vécu et qu'il ignore et dont il a besoin car on  ne  peut  pas se construire au dessus du vide. Quelque chose nous  précède  forcément.   A
'inverse, ceux qu'il rencontre là bas, dans cet  ailleurs,  sont  empreints des cicatrices de leur passé à eux, de la  guerre  qu'ils  ont  connut,  deshorreurs qu'ils ont vues ou faîtes. Et  ils  racontent  cette  Histoire,  leur histoire. Wajdi Mouawad saisit ici  l'occasion  de  raconter  la  guerre  du Liban et à travers ces personnages. Il y a celui qui a vu son père se  faire
décapité et da mère se faire violer . Il y a celui qui a tué par erreur  son père en le prenant pour un ennemi et en déversant sur lui  une  violence  et une barbarie atroce. Et Wajdi de nous inviter à s'interroger  aussi  sur  la
Guerre . La frontière est infime,  presque  inexistante  entre  l'ennemi  et soi, nous sommes les même hommes, les même femmes qui  souffrons;  les  mêmes au point de confondre  son  propre  père  avec  l'ennemi.  Aussi,  ces  deux
personnages que Wilfrid rencontre et avec qui  il  va  continuer  sa  route, n'ont plus que le rire pour vivre  et  communiquer  entre  eux.  Rire  forcé, étrange , inquiétant. Rire jaune et bien triste.  Il y a aussi cette jeune femme qui chante au sommet des montagnes  et  envoie de bouteilles à la rivière pour essayer de retrouver celui qu'elle a  perdu.
Il y  enfin cette dernière jeune femme qui vient rejoindre le groupe et  qui traîne avec elle les bottins d'avant la guerre. Qui écrit sur  un  livre  le nom de toutes les personnes qu'elle rencontre, de tous  les  morts  dont  on lui parle et qui apprend par coeur les noms qu'elle ne peut écrire, animée  de la volonté de ne pas oublier, d'être la mémoire de ce pays.
   Wilfrid lui, à un corps entre les mais qu'il doit enterrer  pour  mettre  en terre ses propres racines qu'il trouve peu à peu.  Pour  les  protéger.  Ses compagnons de route eux, ont leur racines bien ancré dans la terre, dans  le sang et dans l'Histoire surtout, et c'est cette Histoire qui les empêche  de s'en détacher. Pourtant ils n'ont pas de corps pour faire leur deuil.  Alors Wilfrid va accepter que son père devienne le  père  d'eux  tous.  Wilfrid  a trouvé d'où il venait, qui il  était  et  dans  le  prolongement  de  quelle histoire il s'inscrivait, alors il partage son père.  Et  en  partageant  ce père il s'inscrit dans ce groupe et se situe dans  l'Histoire.  Il  acquiert une mémoire collective, commune, qui lui permet de forger un peu plus  cette identité retrouvée. Mais dès lors que ce père est  universel,  ou  du  moins collectif, il est impossible de trouver un seul lieux  où  l'enterrer  parce que si il est de partout, il est inévitablement  de  nulle  part,  et  nulle part dans la terre il ne sera  parfaitement  à  sa  place.   Alors,  comment enterrer son père? Wilfrid a enfin trouvé, en "l'emmerrant"!
   L'océan n'appartient à personne, les courants sont libres  et  ne  dépendent de la volonté d'aucun homme. L'eau recouvre la terre et surtout  elle  n'est pas figé. Et la mémoire, l'identité ne peuvent pas  être  figé,  ne  doivent pas l'être. Elles sont mouvantes, elles se construisent jours  après  jours. Si on les enferme, alors on les rend  dangereuses,  car  meurtries.  La  mer semble être la solution, et soudain, c'est le  fantôme  d'Ismaël  qui  prend peur. Il ne veut pas être  oublié,  englouti,  dévoré.  Il  veut  continuer d'exister dans le présent. Il n'a pas compris  que  c'est  en  disparaissant qu'il peut continuer d'exister. Que pour que le passé soit  utile,  il  doit rester à sa place, que c'est lorsqu'il déborde sur le présent  qu'il  devient dangereux. Il ne comprends pas que sa disparition  permettra le deuil et  qu le deuil lui permettra de ne jamais être oublié.
   La peinture bleue recouvre le drap blanc. L'écume et  l'eau,  remplacent  le sang. L'orphelin déraciné, la mémoire blessé, les  c?urs  meurtris  sont  un peu guéris. Et le sang qui coulait et inondait le sol  au  commencement  est lavé par l'eau. Les corps, marqués de rouge tout à l'heure, le sont de  bleu désormais. Ismaël, le père, tout à l'heure  habillé  d'un  costume  noir  et plein de mystère, est désormais  nu.  Le  voile  est  enfin  levé,  plus  de mystère: la vérité nue.

   " Ma Mémoire est une foret" disait Ismaël, Cette forêt est  désormais  celle de Wilfrid. Il y  a  tracé  des  sentiers,  coupé  quelques  arbres,  soigné beaucoup d'autres. Il en a éclairé la pénombre  et  affronté  l'inconnu.  En cinq jours Wilfrid a plus grandit qu'en une vie. Il a  retrouvé  un  père  et une mère dont il a fait le deuil. Trouvé  les  racines  qui  lui  permettent d'être adulte et a dit adieu à son  compagnon  de  toujours,  le  chevalier, parce que désormais il n'a plus peur ni du noir, ni de l'inconnu.
Il est  évident  que  dans  ce  parcours  un  peu  chaotique  on  ne  puisse s'empêcher de voir par moment celui de Wajdi Mouawad. Que ce soit le cas  ou pas, il n'en demeure pas moins que ce dernier a su - avec quelques  pots  de
peintures, un décor  simple  mais  ingénieusement  exploité,  des  comédiens étonnant de talent, une écriture poétique et juste -  parler à la fois  d'un homme et d'un peuple, d'une histoire particulière et  pourtant  universelle, de l'exil et de la mémoire, de la guerre  et  du  deuil.  Créant  une  ouvre étonnante et déroutante.

Une fois la cour d'honneur quitté, reste cette joie  d'avoir  découvert  une chose qui m'était encore complètement inconnu, d'avoir élargie un  peu  plus encore mon horizon, repoussé les limites de ma  conception  du  possible  au théâtre. Reste ce plaisir du questionnement, de la recherche de sens  et  la satisfaction d'avoir trouver des réponses même si ce ne sont  pas  forcément les  bonnes.  Reste  cette  impression  d'avoir  vécue  quelque   chose   de particulier,  difficilement  explicable  parce  que  déstabilisant  ;  cette certitude d'avoir rencontré ce soir là une  forme  particulière  de  théâtre
que je ne connaissais pas et qui correspond tout entière à ce que  je  suis.
Une satisfaction du coeur, du cerveau et des tripes donc.

Par Marine D.

9 juillet 2009

Intégrale Mouawad 1.

mouawad

Crédits photographiques : Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

Littoral.

Les premières images. Fortes. Je suis happée, mon corps n’existe déjà plus qu’à moitié tandis que mon regard, de peur de manquer plus du temps d’un clignement de paupière, se fixe sur la scène. Tant pis pour la beauté du lieu, restent les hommes, les femmes, et un étrange ailleurs qui se situe pourtant là, juste sous nos yeux. Le combat fou de l’ordinaire, de la douleur ordinaire, qui s’ajoute à d’autres douleurs, elles aussi ordinaires, mais d’un ordinaire tout autre. Et toutes, elles se jettent à la mer.


Incendies.

Corps, désir et inceste. J’ai un peu froid. La femme et son corps, le poids de son ventre, de son ventre énorme. À l’intérieur, amour, haine, désir, secrets, histoires et histoire. Douleur.
C’est à l’intérieur de lui qu’il faut creuser, avec ses mains, ses doigts, ses ongles. C’est dur, violent. C’est approcher la douleur, l’embrasser. Et lui tordre le cou, en la serrant très fort contre soi.


Forets.

Un entrelacs de racines et de branches  et les feuilles mortes sur le sol, pourries. Les promesses, le sang, les morts. Une tragédie familiale n’est jamais exclusivement familiale, elle est avant tout humaine. L’obscénité de la forêt, ses creux et recoins, son sol meuble d’une part, ses arbres dressés vers le ciel d’autre part. Quand la forêt pousse, elle s’étouffe elle-même. Son sol s’épuise, ses arbres meurent, alors même que les racines rencontrent les branches. Hommage.


Fin.

Applaudissements. Mérités, donnés. Puis échangés. À la fois fierté, du spectateur d’avoir été là, d’avoir tout vu, et de l’acteur, et reconnaissance, On applaudit l’autre en même temps qu’on s’applaudit soi-même. Je souris, je vous vois sourire, et j’espère qu’on nous voit sourire comme je vous vois sourire, et comme peut-être vous aussi vous me voyez sourire.

J’erre dans les rues. Je n’ai pas sommeil, je ne veux pas rentrer chez moi. Je flotte entre la nuit et le jour. J’ai très peur de quitter cet espace tellement particulier, qui n’est pourtant rien de bien défini, qu’un équilibre de choses. En le quittant j’oublierais, il me semble que je ne pourrais plus me souvenir de tout. Alors je ne l’ai pas quitté, puis j’ai commencé à mal me souvenir. Tout s’effondre, ne reste que la sensation d’une vision et celle d’y avoir été trop brutalement arrachée.

Pauline G.

3 juin 2009

Le programme de l'édition 2009..!

Les spectacles retenus cette année sont les suivants :

*

FestivalAvignon09

08 juillet : Littoral, Incendie, Forêts de Wajdi Mouawad, Cour d’honneur du Palais des Papes, 20 h, durée 11 h.

10 juillet : Photo-Romance de L. Saneh et R. Mroué, Salle Benoit XII, 18 h, durée 1 h 30.

11 juillet : La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres d’Amos Gitaï, carrière de Boulbon, 22 h, durée 2 h 15.

12 juillet : Les Inepties volantes de D. Niangouna, Cloitre des Célestins, 22 h, durée 1 h 30.

17 juillet : Apollonia de Krzysztof Warlikowski, Cour d’honneur du Palais des Papes, 22 h, durée 4 h.

21 juillet : Les Témoins ordinaires de Rachid Ouramdane à 18 h à la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon.

3 juin 2009

Compte-rendu de l'Ecole du spectateur 2008

Un compte-rendu de l'école du spectateur 2008, rédigé par Anaël Alexandre, elève de terminale en enseignement de théâtre obligatoire.

             inferno  inferno2_290  atrop

            Sombre nuit. 23h32 quand je commence, 02h12 quand je finis. Il pleut. Septembre tire à sa fin. Feuilles mortes dans les caniveaux. Vent glacial, l’hiver. Grisaille Avignonnaise. Sale période. Période de Crise : La « Récession », j’ai entendu ca à la télé. Il fait moche, le temps est moche, les gens sortent les parapluies. Les gens ont peur. Il pleut. La Bourse de Paris a connu une plongée abyssale historique. Il pleut. Ca sent le Crac boursier de 29. Il pleut. Intervention au JT de Sarkozy. Il pleut plus fort. Audimat, heure de pointe sur TF1. Contre attaque virulente de la gauche insatisfaite. Averse…

Le pouvoir d’achat préoccupe les français. Les Français sont préoccupés. Le ministère de l’économie se veut rassurant : « Il n’y a aucune raison d’avoir peur, la crise ne touchera pas la France. » La préoccupation des Français c’est leur pouvoir d’achat. Le Président aime son pouvoir sur les français. Il pleut, je crois que c’est l’automne, presque l’hiver. Non c’est cet été, il pleut. Opéra-théâtre d’Avignon. BP 111-84007 Avignon cedex 1. Il pleut. Grisaille avignonnaise. Festival d’Avignon du 4 au 26 Juillet 2008. 6 Spectacles pour 45 euros dans le IN. Mistral Option Théâtre, 1L4 au moment des faits. L’Opéra-Théâtre : Atropa.

12e jour de Juillet. Samedi 17h00.Opéra. Balcon. Côté Jardin, 1e rang. Cookies de la Mie Câline achetés à l’entracte. Atropa, La vengeance de la Paix. Ils sont chauds, ils sortent du four. La paix a tout prix ? J’aime les pépites de chocolats. Les Français veulent la paix. Ils veulent acheter en paix chez Intermarché : tous unis contre la vie chère ! Promotion. Place à 13 euros, tarif jeune. J’aime la liberté du pouvoir d’achat. Les 10 cookies pour 2euros. C’était une affaire !                                                                                                      

Elections présidentielles aux Etats-Unis. Tryptique du pouvoir. Tom Lanoye. McCain ? Obama ? What else ? George W. Bush « La folie, c’est ne pas vouloir voir le danger, au lieu de l’éradiquer quand c’est encore possible (…) C’est pourquoi nous devons frapper une fois pour toutes». 10 soldats Français perdent la vie en Afghanistan. «  Nous avons une mission. Nous ne pouvons pas voir les citoyens d’un autre pays souffrir esclavage, arbitraire et terreur, et hausser les épaules parce que tout va bien chez nous. C’est notre destin, nous en endossons la charge. Quel qu’en soit le prix, nous poursuivons la mission, conscients qu’il n’existe pas d’autre solution : La paix, un paradoxe, qui se conquiert par la force. » Agamemnon Acte I, Scène 3 ; La mort d’une fille. Spot TV : George sert une petite fille dans ses bras. Le 11 Septembre. Elle pleure. « Que les dieu bénissent et donnent prospérité et force à ceux que vous aimez(…) qu’ils continuent à nous soutenir, Nous et notre grand et magnifique pays ».

Coupure PUB. Matraquage. Nouvelle Renault Clio pour 8900 euros. BOUM!  Lumière a tous les étages. Une télé s’écrase vingt mètres plus bas. Accident, Andy Warhol. Inferno. Cour d’honneur, Palais des Papes, 22h00, zone 2, rang E, place 6. File d’attente pour l’abattoir. Hécatombe. Clip The Wall, les gens tombent un par un dans le mixer rempli d’enfants qui jouent. Un polaroid tourne sur une plate forme. Castellucci est dévoré par des caniches affamés :La crise du pouvoir d’achat a provoqué une famine. Jésus Christ joue au Basket-ball sur le toit du Palais. France3 le Mercredi 8 octobre de l’an 2008 après Tony Parker. 20h50 : Pièces a conviction présentée par Elise Lucet : Le pouvoir d’achat, les profiteurs de la crise « la spéculation sur les denrées alimentaire telles que le riz et le blé est à l’origine de plusieurs centaines de millions de morts ». La Shoa :6 millions de morts. Sur le plateau les gens meurent et roulent. Danse macabre et morbide. Le public a les yeux bandés, drap blanc sur les gens ; le voile de l’ignorance. Tomato Ketchup. BANG !, la bourse dégringole encore. Une autre télé aussi : -8% à l’ouverture à Tokyo. Les étoiles au pluriel dégringolent. Les gens ne rient plus. Le public s’effrite, l’audimat aussi, « Sarkozy perd 6 point dans les derniers sondages IFOP ». Des gens quittent ulcérés les gradins du palais. La vérité est moche. Carla Bruni, la nouvelle première Dame. La ménagère de moins de cinquante regarde Star Academy sur TF1. Elle se sent soulagée.

BLAM ! FLASH SPECIAL, une autre télé est pulvérisée en direct sous les yeux ébahis des téléspectateurs et téléspectatrices. Interruption des programmes. La ménagère de moins de cinquante est inquiète. Les feux de l’amour interrompus par des problèmes. Gymnase Gérard Philipe, 16h00, un certain 13 juillet. Dimanche. Placement libre. An 2008. Elle n’aime pas la guerre. Ce qu’elle voudrait c’est garder son pouvoir d’achat et regarder TF1. C’est une pacifiste engagée. Tragédies Romaines. Rupture déchirante à l’Elysée. La Saga de l’été. Ivan Van Hove « Je crois qu’en France en ce moment vous êtes confrontés aussi à cela avec un président qui voudrait faire de la politique autrement, en particulier par rapport aux problèmes de sa vie privée ». Téléréalité : Jules et Carla. Nicolas et Cléopâtre. 6 heures Néerlandaises. Les politiciens parlent étranger. Envie de dormir sur le canapé gris du bureau. Chaleur suffocante, le public otage de l’offre et de la demande : la bouteille de 50 cl à 2euros. Résistance, je ne bois pas ! Plan de bataille. Amour, sexe et Haute Trahison. Bataille pour l’opinion publique. Scandale. Bataille navale. Ségo-Sarko : Touché-coulé.  Jules, Agamemnon, Nicolas et Barack partent en campagne. Joute oratoire. Ivan« Les mots peuvent tuer en politique ». Shakespeare. Le sang du contribuable coule à flot. Image (très) baroque. L’endettement est de 2000$ par citoyen : LA RELANCE est un succès. Opinion publique en hausse, pas de choc de confiance. « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ». Autruche : Animal de grande taille, 2m20 en moyenne et assez lourd, 120 kilos en moyenne, l'autruche est un oiseau qui ne vole pas. www.Wikipédia.fr : L’autruche.

Reprise des programmes à 22h00. Lycée Saint Joseph Academy. Nikos Alliagas « Ne ratez pas Dimanche 20 juillet 2008 les éliminations lors du prime time ! » Pace 23. PROPOPERA. La blonde sulfureuse en combi doré se lance dans un solo vibrant d’émotion. Néerlandais, pas de sous titre. Ce soir c’est la Spéciale Rock’n Roll. Guitares électriques de sortie. [HELL] Pieter C. Scholten « Effectivement avec un tel instrument, quand on commence a produire des sons, on a envie de hurler ‘’Fuck you !’’ à la terre entière ». Introspection. Allongez-vous sur le divan de Dante : « Comme chez Dante, chez qui (…) il s’agit d’une porte qui permet en effet de se connaitre plus intimement. » dixit Pieter C. Scholten. TOTAL me connait intimement : «Anything for you ». Je regarde intimement le JT : Patrick Poivre d’Arvor est encore la. Laurence Ferrari à son envoyé très spécial en direct live de la rue, 20h, heure de crise, les français sont inquiets : c’est la guerre des prix ! Elle prépare une passation des pouvoirs en douceur, espère que l’audimat suivra…Des voitures brûlent dans les cités. Karcher (eau sous pression), les Français sont sous pression. Intolérable injustice, ils payent cher, trop cher. 1.229 le litre de Gazole chez Leclerc avenue Eisenhower, Avignon 84, France. 3.01 euros les 1000 Litres d’eau ! Une inflation outrancière de près de 4% par an! Trou budgétaire. Dépense d’eau potable d’un français moyen exprimée en litres par jour : 150 ;10 à chaque fois qu’il tire la chasse. Dépense moyenne d’eau potable par africain ayant accès a l’eau potable:10 litres par jour. 400 millions d’africains n’ont toujours pas accès à l’eau potable.

BADABOUM !,  la dernière télévision s’écrase bruyamment dans un râle mortifère sur la scène de la Cour d’Honneur du Palais des Papes devant un spectateur aux yeux enfin dévoilés. Les étoiles ont disparus. « Elle est tombée, l’œuvre sublime des dieux, la puissante colonne de la puissante Asie, Troie s’est écroulée. » L’illustre mur de pierres que le temps a vieillies et blanchies semble me pointer de son doigt accusateur en s’écriant d’une voix muette assourdissante « TOI »…

        

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